Nous continuons ici à vaillantiser ! |
Pacifiste et Tourangeau
Wikipedia:
Eugène
Bizeau est un poète et chansonnier anarchiste français, né le 29 mai 1883 à
Véretz (Indre-et-Loire) et mort le 16 avril 1989 à Tours. Il collabora à de
nombreux périodiques et journaux libertaires de son époque, parmi lesquels Le
Libertaire. Il appartint au groupe de la Muse rouge avec Gaston Couté et
Aristide Bruant.
Il
est réformé pour « faiblesse de constitution » peu avant la guerre de 14-18.
Il
cultiva ses vignes jusqu'à quatre-vingt-dix ans. La salle des fêtes de Véretz
porte son nom.
Gérard
Pierron a notamment mis en musique et interprété ses textes Ferraille à vendre
et Il neige sur les mers. Alain Meilland a mis en musique et interprété son
texte Pacifiste.
Hommage
En
1983, l’année de ses cent ans, Eugène Bizeau fut invité par le journaliste
Jacques Erwan, à rencontrer, au cours d’un débat, le jeune public du Printemps
de Bourges. À la suite de quoi, les chanteurs Gérard Pierron, Alain Meilland et
Michel Grange créèrent le spectacle Les Cent Printemps des poètes au cours
duquel ils interprétèrent des poèmes de Bizeau qu’ils avaient mis en musique
(Songe creux – Eugène Bizeau/Gérard Pierron et Pacifiste Eugène Bizeau/Alain
Meilland).
En
1986 l'Académie Charles-Cros décerna son prix, dans la catégorie patrimoine, à
ce disque. Eugène Bizeau avait 103 ans.
Bibliographie
Simonomis
: Vous avez dit Bizeau, éditions Dossiers d'Aquitaine, 1986, entretien avec le
poète-vigneron Eugène Bizeau, alors âgé de 103 ans.
Gérard
Lecha, Jean-Luc Richelle, Eugène Bizeau, vigneron, poète, libertaire, La Cause
du poulailler, 2015.
Thierry
Maricourt, Histoire de la littérature libertaire en France, Albin Michel, 1990,
pp.261-264.
Comme on peut le constater ici:
https://cinegraphe.blogspot.fr/2017/11/actu-novembre-17.htmlil était à l'honneur à Vierzon le 15 novembre 2017:
CAFE REPAIRE
Bonjour,
Je vous rappelle que café repaire de novembre aura lieu le mercredi 15 novembre à 19h, à l'auberge de jeunesse de Vierzon.
Grâce à Michel Di Nocera et Nicole Fourcade, nous ferons connaissance (ou redécouvrirons) Eugène et Anne Bizeau.
Pour le Café repaire,
M-H
Bonjour,
Le café repaire de novembre était initialement prévu le 7, 1er mardi du mois.
Il était centré sur Eugène Bizeau, poète libertaire et pacifiste, né en 1883 à Véretz et mort à Tours en 1989.
C'est Alain Meilland qui devait animer cette soirée, lui qui avait rencontré le vieux poète et mis en musique un de ses poèmes, "Pacifiste".
La vie en a décidé autrement, Alain ne nous fera plus partager son enthousiasme.
Finalement, nous avons décidé de garder le thème prévu et ce sont deux passionnés, membres de l'association "les Compagnons de Bizeau", qui viendront.
Michel Di Nocera et Nicole Fourcade nous parleront de la vie et l'oeuvre d'Eugène Bizeau mais également de sa femme, Anne, elle aussi poétesse et militante.
La date retenue est le mercredi 15 novembre (toujours à 19h, à l'Auberge de jeunesse de Vierzon).
Pour le café repaire,
M-H Lasserre
Il bénéficie surtout d'un blog remarquable et remarquablement complet:
Enfin rappelons que deux pages dans la plaquette-programme du spectacle Maurice Rollinat à la Décale concernent également Eugène Bizeau:
https://vaillantitude.blogspot.fr/2017/11/maurice-rollinat-en-chansons.html
Les
compagnons de Bizeau
Le
blog des compagnons de Bizeau est un outil militant au service de la poésie
populaire et révolutionnaire. Vous pouvez participer à son développement en
envoyant des poèmes (utiliser les commentaires)
Il
n'est rattaché à aucun parti politique, association ou organisation quelconque.
Immédiatement j'en extrais ceci, quitte à le présenter deux fois :
La chanson sociale est caractérisée par l'ambivalence consistant à rendre hommage aux vaincus et morts de ces révolutions tout en propageant haut et fort leurs revendications. Il s'agit d'honorer les victimes, le prolétariat et en même temps continuer leur combat pour la révolution sociale.
Bizeau s'inscrit parfaitement dans cette démarche avec le poème
« Commune, espoir du monde » :
« Commune, espoir du monde » :
Aux premiers jours d’un printemps sombre
Où les canons crachaient du feu,
Se sont levés des gueux sans nombre
Qui ne voulaient ni roi ni dieu…
Ils ont lutté contre Versailles
Dont les obus criblaient Paris,
Puis ils sont morts sous la mitraille,
Assassinés par des bandits !
Commune, espoir du monde,
Sous les toits des faubourgs,
Plus forte et plus féconde
Tu renaîtras un jour !
Petits enfants, vieillards et femmes,
Combien sont-ils de massacrés
Dont nous sentons frémir les âmes
Devant le Mur des Fédérés ?
Au pays noir des spectres blêmes,
Martyrs sans nom, combien sont-ils,
Ceux dont le sang rougit l’emblème
Qui fit trembler leurs bourreaux vils ?
Malgré les soirs d’âpre infortune,
Les trahisons et les rancœurs,
Le souvenir de la Commune
Reste vivant dans tous les cœurs
Salut, Commune ! Enfant martyre
Des grands lutteurs des temps passés ;
Et que maudits soient les vampires
Pour tout le sang qu’ils ont versé !
La biographie
Eugène
BIZEAU est né le 29 mai 1883 à Véretz (prononcer « Vérett »), petit village de
Touraine situé au bord du Cher, près de Montlouis et Vouvray, village du
célèbre pamphlétaire Paul-Louis COURIER, et est mort à Tours le 17 avril 1989 à
près de cent-six ans. Il a vécu son enfance en Touraine. Autodidacte, il a
quitté l’école après le certificat d’études primaires. Il a pour père Eugène
BIZEAU, né en 1843, libre penseur qui luttait pour une république sociale.
Il
alla à l’école laïque où il fut raillé par ses petits camarades car il n’était
pas baptisé. Il a écrit son premier poème à sept ou huit ans et avait de très
bons résultats scolaires mais il a dû gagner sa vie très tôt, dès le certificat
d’études, à treize ans. Il est devenu domestique jardinier au « Verger »
(aujourd’hui maison de retraite) à quinze ans pour un salaire insignifiant
(vingt-cinq sous par jour), puis casseur de pierres sur les routes avec son
père pendant l’hiver 1898, puis apprenti vigneron.
Ayant
arrêté toute étude pour travailler, il s’intéressait malgré tout à l’actualité
et il nous confie dans son journal personnel, qu’il lisait toujours le journal
de son patron avant de lui donner. Plus tard, il lit Paul-Louis COURIER,
PROUDHON, BLANQUI, RENAN, VIGNY, ESQUIROS, BÉRANGER, et de vieux recueils
populaires qu’il trouve chez son père. Des journaux libertaires circulaient et
il les lit grâce à des ouvriers de passage, d’anciens paysans, des employés du
chemin de fer… Ses poèmes sont censurés comme « Franchise » (dans le «
Libertaire » du 29 juin 1919).
Très
tôt, il affirme ses convictions politiques : à quatorze ans, il est déjà abonné
au « Libertaire » puis il s’abonne au « Père Peinard » d’Émile POUGET, l’un des
fondateurs de la CGT et il rimaille, mettant sa plume au service de ses
convictions politiques. Il est attaché à la paix, à la démocratie et au progrès
social comme d’ailleurs ses ancêtres proches. Il est révolté de voir le salaire
dérisoire de certains face à des riches cousus d’or et qui se croient tout
permis. À vingt-quatre ans, en 1907, il est vigneron et poète libertaire. Il
collabore à la revue « L’Anarchie ». En 1910, il participe à « la Muse Rouge »,
groupe de poètes et chansonniers révolutionnaires. Nombreux sont ses poèmes mis
en musique dans les années 1912 – 1924.
Il
épousa en 1916, en Auvergne, Adélaïde CHAMBONNIÈRE, appelée Anne, institutrice
et poète qui partageait ses idées anarchistes. Eugène BIZEAU émigre comme
jardinier à Massiac en Auvergne car sa femme n’a pas pu obtenir sa mutation en
Touraine pour raison syndicale. Il eurent deux enfants, Max et Claire cinq ans
plus tard.
Ils
reviendront vivre 27, rue Chaude à Véretz à la fin de la seconde guerre
mondiale, gardant toujours le même idéal. Sa maison a le charme des vieilles
maisons tourangelles accrochées au rocher de tuffeau. Il renoue alors avec son
métier de vigneron. À quatre-vingt-dix ans, il doit renoncer à cultiver sa
vigne et en est désolé. Un an plus tard, sa femme meurt, autre chagrin intense
puisqu’ils avaient vécu cinquante-six ans ensemble. De 1974 à son décès, il est
seul à Véretz, soigne son jardin floral et potager, fait sa cuisine. Il
consacre ses après-midi à la lecture, le courrier et l’écriture quand il ne
reçoit pas des amis. Membre actif d’Art et Poésie de Touraine, association
régionale de poésie, il fait partie du jury pour la remise des prix des Jeux
Floraux qui ont lieu tous les deux ans.
Il
était anarchiste, athée, pacifiste, jardinier, apiculteur, vigneron et poète.
Comme il le dit lui-même, il ne faut pas confondre anarchiste et terroriste :
l’anarchiste n’est pas un poseur de bombes ! Il faut comprendre anarchiste dans
le sens de libertaire qui veut l’épanouissement complet de l’individu dans la
fraternité. Il dit aussi :
«
Je suis devenu anarchiste, parce que cette société ne me convenait pas, elle
était trop injuste… » (Verrues sociales, page 21)
La
mort de tous les instants,
C’est
l’humanité fauchée
Comme
les fleurs du printemps.
C'est
ville et campagne en flammes ;
Et
malgré cela, debout,
Pour...Le
salut de nos âmes,
Il
faut aller « jusqu'au bout ! »...
C'est
après la charge folle
Vers
les canons meurtriers,
L'épouvante
qui racole
Auprès
d'un champ de lauriers.
C'est
la liberté qui saigne ;
Et
malgré cela, debout,
Pour...qu'arrive
enfin son règne,
Il
faut aller « jusqu'au bout ! ».
«
Les soldats vont partir vers le champ de bataille
Il
faut leur donner de l’entrain
Oh
le joli discours qu’un officier leur braille
Avant
de monter dans le train
Debout
debout Français ; voilà le jour de gloire
Sous
l’étendard aux trois couleurs
Après
avoir marché de victoire en victoire
Nous
allons venger nos malheurs.
Et
devant l’imposteur qui leur monte la tête
Avec
le trois-six des grands mots
La
boisson perd l’homme et réveille la bête
Etouffe
leurs derniers sanglots.
Et
je songe, en voyant qu’ils s’engouffrent dans l’ombre
Où
pleuvra l’obus meurtrier
Que
peut-être pas un sur cet immense nombre
Ne
reviendra dans son foyer. ».
Leur
idéal
Sacré
coeur
«
D’en haut, c’est un moulin sans meunière et sans ailes,
Sans
ruisseau chuchoteur, sans taillis, sans oiseaux,
Un
moulin qui torture et qui moud des cervelles,
Des
grands coeurs pleins d’amour, de la chair et des os.
Vu,
d'ailleurs, n'en déplaise aux pudiques donzelles,
Que
Priape en soutane y fait choir sur le dos,
C'est
l'infâme éteignoir des clartés les plus belles
Ou
le chancre induré des coureurs de bourdeaux...
Mais
des bas-fonds grouillants, d’où l’humaine marée
Reflue
éperdument vers la « Butte sacrée »,
«
D’énormes monuments où des gredins sinistres,
D’un
Dieu mort sur la croix se disant les ministres,
Dans
l’imbécillité des foules à genoux
Trouveront
trop longtemps de quoi beurrer leurs choux.
D’énormes
monuments que l’astuce des cuistres
Déchirant
en secret d’accusateurs registres,
Ne
lavera jamais du sang versé partout
Quand
« l’infâme » était reine et le prêtre tabou.
D’énormes
monuments éclos dans le domaine,
Qu’en
ce matin d’avril estompe un brouillard gris,
Ce
par quoi Jéhovah sauve Rome et la France,
Pour
l’incroyant poète en mal d’irrévérence,
C’est
un caca géant qui fume sur Paris !... ».
LE TEXTE DE LA CONFERENCE EST ICI :
poésie
et mouvement ouvrier
Eugène
BIZEAU, poète anarchiste vigneron
(Conférence
issue des recherches de l' « Association Anne et Eugène Bizeau » et enrichie du
Mémoire Master 1 de Tony Bernoist (Université François Rabelais de Tours)
Eugène
Bizeau naît en 1883 et meurt en 1989, à l'âge de 106 ans, soit une naissance 12
ans après la Commune de 1871 et son décès 20 ans après 1968, autant dire une
vie à cheval sur 2 siècles, avec des événements sociaux importants, 3
Républiques et 2 guerres mondiales...
L'objectif
de cette présentation est d'établir la relation entre ces événements et
l'homme, le poète, d'où le choix de privilégier la période allant de son
enfance, adolescence à la fin de la deuxième guerre mondiale (62 ans en 1945),
période riche en événements majeurs.
A
– Eugène Bizeau à la croisée du mouvement anarchiste et de la chanson
révolutionnaire (1883/1914) : ses 30 premières années
a
– Un environnement familial propice au développement des idées libertaires
Bizeau
naît à Veretz (près de Tours), commune qui vit également naître le poète
pamphlétaire Paul Louis Courier (1772/1825).
Nota
: la mère de Bizeau est la dernière à avoir vu le poète avant son assassinat.
Eugène
Bizeau « est issu d'une lignée de vignerons attachés à la paix, à la démocratie
et au progrès social » (Robert Brécy) :
Ces
grands parents ont milité clandestinement contre l'Empire et pour le
rétablissement de la République.
Son
père admire la République sociale de la Commune de Paris (1871) et sa mère
rejette à 18 ans son éducation religieuse. Ses parents se marient civilement et
ne baptisent pas leurs enfants.
Ces
choix parentaux entraînent menaces et agressivité dans le village, en
particulier de la part du curé. Ils vont renforcer l'anticléricalisme et le
rejet de l'Etat bourgeois de la part de Bizeau : « Je suis en état de révolte
permanente et je le resterai jusqu'à mon dernier souffle. La passivité c'est la
mort »
Après
le certificat d'études obtenu à 13 ans, il quitte l'école pour travailler et
aider sa famille ; il fait des petits boulots qui lui font rencontrer la misère
des paysans.
Puis
sur les chantiers de chemins de fer, il rencontre des ouvriers qui lui font
découvrir des journaux libertaires et à 14 ans, il s'abonne au « Libertaire »
de Sébastien Faure (et Louise Michel) ainsi qu'au « Père peinard » d'Emile
Pouget.
Dans
la bibliothèque familiale il rencontre Victor Hugo, Proudhon, Elisée Reclus
etc.
S'intéressant
de plus en plus à la philosophie anarchiste, Il va écouter Sébastien Faure dans
des conférences données à Tours.
Ses
choix idéologiques le portent très jeune et définitivement vers l'anarchisme ce
qu'il explique simplement :
«
J'ai connu un temps où les paysans vivaient misérablement...En travaillant chez
eux, je me suis rendu compte de l'exploitation qu'ils subissaient...Je suis
devenu anarchiste devant le spectacle de telles iniquités ».
Fort
d'un réel talent littéraire (il a été le premier de sa classe), le meilleur
moyen pour Bizeau d'exprimer sa colère face à la société qu'il juge injuste est
donc l'écriture de poèmes et de chansons. En ce sens sa démarche s'inscrit
totalement dans la tradition de la chanson révolutionnaire.
A
l'inverse d'autres poètes et chansonniers, Bizeau restera en sa Touraine
natale, préférant travailler sa vigne plutôt que d'aller « se brûler les ailes
» à la recherche de succès à Paris, comme Gaston Couté en particulier.
b
– Bizeau, héritier du mouvement anarchiste et de la chanson révolutionnaire
«
La chanson est un excellent moyen pour faire circuler du rêve et l'idéal
anarchiste. Des chansons sociales, révolutionnaires afin de semer des idées
dans la mare...On chantait beaucoup dans ma jeunesse : dans les champs, sur les
chantiers » (Bizeau 1985)
Le
poème « Nos chansons » publié dans la Muse rouge en 1919 illustre le propos :
«
Nos chansons à nous sont des chansons rudes
Où
monte le bruit des moteurs d'acier,
Et
l'amer dégoût de la servitude
Dont
nous supportons le morne collier...
Nos
chansons à nous sont des chansons rudes
donnant
à la plèbe un visage altier.
Nos
chansons à nous sont des chansons mâles
clamant
les espoirs des peuples meurtris,
Dont
les dictateurs étouffent les râles
Et
plongent les yeux dans un brouillard gris...
Nos
chansons à nous sont des chansons mâles
Semant
l'idéal des libres esprits.
Nos
chansons à nous sont des chansons fortes
Détournant
les gueux du sanglant chemin
Où
les os blanchis des phalanges mortes
Nous
montrent l'horreur du carnage humain...
Nos
chansons à nous sont des chansons fortes
Qui
nous font rêver d'un meilleur destin !
La
chanson sociale prend de l'importance tout au long du 19ème siècle et jusqu'au
début du 20ème (cf. guerre de 1914/1918) :
Elle
est un moyen d'information, de propagande s'adressant à tous les hommes.
L'oralité a d'autant plus d'importance que l'analphabétisme est très important
(cf. l'école publique n'arrive que dans les années 1880). Dès lors la chanson
est un véritable tract politique circulant dans les usines, les meetings et les
manifestations.
Cet
usage politique de la chanson dont s'emparent, avec d'autres, les anarchistes,
n'est pas nouveau et remonte à la Révolution française (1789), riche en
chansons populaires (cf. la Carmagnole).
Il
se développe de plus en plus avec les événements (cf. révolte des canuts),et
révolutions de 1830, 1848. Les chansons sont alors interprétées dans les
goguettes (autorisées ou clandestines) qui naissent à cette époque.
Cet
usage politique de la chanson atteint son apogée avec la Commune de Paris en
1871, donnant lieu à des dizaines de poèmes et chansons.
La
chanson sociale est caractérisée par l'ambivalence consistant à rendre hommage
aux vaincus et morts de ces révolutions tout en propageant haut et fort leurs
revendications. Il s'agit d'honorer les victimes, le prolétariat et en même
temps continuer leur combat pour la révolution sociale.
Bizeau
s'inscrit parfaitement dans cette démarche avec le poème
« Commune, espoir du monde » :
« Commune, espoir du monde » :
Aux
premiers jours d’un printemps sombre
Où
les canons crachaient du feu,
Se
sont levés des gueux sans nombre
Qui
ne voulaient ni roi ni dieu…
Ils
ont lutté contre Versailles
Dont
les obus criblaient Paris,
Puis
ils sont morts sous la mitraille,
Assassinés
par des bandits !
Commune,
espoir du monde,
Sous
les toits des faubourgs,
Plus
forte et plus féconde
Tu
renaîtras un jour !
Petits
enfants, vieillards et femmes,
Combien
sont-ils de massacrés
Dont
nous sentons frémir les âmes
Devant
le Mur des Fédérés ?
Au
pays noir des spectres blêmes,
Martyrs
sans nom, combien sont-ils,
Ceux
dont le sang rougit l’emblème
Qui
fit trembler leurs bourreaux vils ?
Malgré
les soirs d’âpre infortune,
Les
trahisons et les rancœurs,
Le
souvenir de la Commune
Reste
vivant dans tous les cœurs
Salut,
Commune ! Enfant martyre
Des
grands lutteurs des temps passés ;
Et
que maudits soient les vampires
Pour
tout le sang qu’ils ont versé !
Les
années 1900, la première guerre mondiale en particulier entraînent une grande
modification :
La
période de « Propagande par le fait » (1892/1895) divise le mouvement ouvrier,
les anarchistes eux-mêmes : d'un côté des anarchistes individualistes
commettent des attentats terroristes voulant ainsi accélérer la révolution
sociale par la prise de conscience des masses, de l'autre des anarchistes
refusent toute violence, dont Eugène Bizeau.
Nota
: Louise Michel, Emile Pouget etc., soutiendront un temps la propagande par le
fait.
Cette
période se termine par l'entrée de la majorité des anarchistes dans le
syndicalisme où ils vont être très influents (cf.CGT en 1905 et Charte d'Amiens
en 1906)
Cependant,
avec la guerre de 1914/1918 disparaît pour longtemps la croyance en la
proximité d'une révolution sociale.
Enfin
les années à cheval sur les 2 siècles voient des transformations importantes
quant aux lieux et moyens de diffusion de la chanson :
Les
goguettes nées dans les années 1830 et qui ont vu se propager la chanson
sociale laissent progressivement la place aux cabarets et au Music-hall.
Le
café concert devient un lieu de spectacle supprimant le rôle révolutionnaire de
la chanson. De plus, avec l'invention du phonographe, on assiste à une
massification de la diffusion de la chanson et à la professionnalisation des
chanteurs.
Par
rapport à cette réalité des fin du 19ème et début du 20ème siècle, la « Muse
Rouge » née en 1901, et que Bizeau intègre en 1907, est le dernier rempart des
chansonniers qui veulent rester fidèles à l'esprit et à l'histoire de la
chanson révolutionnaire.
c
– Bizeau et le groupe de chansonniers de la « Muse Rouge », l'âge d'or de la
chanson révolutionnaire (1900/1914)
Le
groupe de la « Muse Rouge » naît en 1901 à Paris, sous la houlette de militants
pacifistes, majoritairement anarchistes (Sébastien Faure, Constant Marie, Jean
Baptiste Clément, Charles d'Avray l'auteur de « l'hymne de l'Anarchie », etc .)
Au
début, il se nomme « Groupe des poètes et chansonniers révolutionnaires » et
s'organise en une sorte de syndicat participant aux fêtes corporatives et
ouvrières, ce qui affirme bien les ambitions d'un groupe motivé par la lutte
pour la liberté, la justice sociale et pour la paix.
Le
nom de « Muse Rouge » (en 1907) vient du titre d'une chanson écrite par
Constant Marie, en hommage à Louise Michel.
En
adoptant ce nom, la « Muse Rouge », le groupe se place comme l'héritier de
l'esprit des communards ; d'ailleurs, outre Jean Baptiste Clément, la veuve
d'Eugène Pottier en fait partie.
Une
spécificité de la Muse rouge est que ses membres ne sont pas des professionnels
mais des militants qui travaillent à l'usine, aux champs ou dans des bureaux
(Bizeau est vigneron). Par cette démarche et à l'opposé de toute la sphère
marchande qui va naître avec les cafés concert au milieu des années 1900, la «
Muse Rouge » poursuit la tradition des goguettes et des poètes-ouvriers proches
des réalités sociales vécues par les travailleurs.
Sa
renommée repose sur sa participation à Paris comme en province à de nombreuses
fêtes populaires, ouvrières initiées par les syndicats, universités populaires,
groupes politiques et loges maçonniques.
A
Paris, la Muse rouge possède un lieu, la salle « Jules », boulevard Magenta qui
s'avère souvent trop petite pour accueillir le public venant nombreux aux
goguettes qu'elle organise chaque début de mois.
La
« Muse Rouge » c'est aussi une « Revue révolutionnaire par les Arts », qui
édite régulièrement des recueils sous le titre « Nos chansons ».
Bizeau
va devenir dans les années 1910 un des piliers de la « Muse rouge » ; il
devient l'ami de Maurice Doublier, secrétaire de la « Muse Rouge » qui séduit
par la qualité littéraire de ses poèmes, l'encourage à poursuivre son travail
Bizeau,
quant à lui se présente, très humblement, en 1914 comme suit :
«
Tourangeau frisé, frisant la trentaine,
Vit
par ses efforts sur le sol natal
Pétrit
ses chansons d'amour et de haine
Et
se trouve fort bien d'avoir tourné mal »
Ce
quatrain révèle plusieurs aspects de Bizeau :
Sa
volonté de rester au pays (il ne va aux goguettes organisées en région
parisienne par la « Muse Rouge » que lorsque ses moyens financiers le lui
permettent).
Amour
et haine : on retrouve cette ambivalence, trait permanent dans la chanson
sociale, anarchiste en particulier.
Enfin,
avec l'expression « se trouve bien d'avoir mal tourné » on note un clin d'oeil
à Gaston Couté (« Le gas qu'a mal tourné ») qui fréquentera la Muse rouge de
1901 à 1907 avant de rejoindre la revue « La guerre sociale » de Gustave Hervé.
Nota
: Bizeau qui aimait les poèmes de Couté en fera mettre plusieurs en musique.
Dans
cette période d'avant-guerre, la « Muse Rouge » est en plein essor, grâce à
l'engouement des travailleurs qui se reconnaissent dans le discours de la Muse.
En effet les poètes chansonniers dénoncent les injustices sociales et s'en
prennent aux ennemis de la classe ouvrière, comme la bourgeoisie et ses
soutiens (police, église, armée etc.). La Muse exalte la Commune de Paris, la
République sociale, l'internationale des travailleurs, l'anarchie, la paix.
Maurice Doublier l'exprime on ne peut plus clairement :
«
...Nous sommes arrivés à une époque où chacun doit nettement prendre parti. On
ne peut être à cheval sur la barricade, prêt à se laisser glisser au moment
opportun du côté le moins dangereux et dépeindre dans ses œuvres les misères de
la classe ouvrière tout en flirtant avec ses pires ennemis...La chanson ne nous
réunira jamais avec les adversaires de notre classe...Les plus fermes soutiens
du régime capitaliste que nous voulons abattre.... »
Malheureusement
comme on l'a vu plus haut la guerre de 1914/1918 va déstabiliser et transformer
la chanson révolutionnaire, dont la « Muse Rouge », d'autant que plusieurs de
ses membres meurent dans les tranchées (Léon Israël, Doublier etc.).
Bizeau
saluera en 1916 les morts de la « Muse Rouge »
Israël, Doublier...déjà la Muse Rouge
A
payé cher, hélas! l'orgueil des êtres fous...
Quand
le peuple épuisé rentrera dans son bouge,
Combien
auront subi le même sort que vous !
Qui
donc a retenu les chants de nos goguettes ?
Les
cris des révoltés dressant leurs étendards ?..
Pour
guerre de revanche ou guerre de conquête,
Qui
donc est resté sourd à l'appel des soudards ?
Qui
donc cherche à sauver la paix noble et féconde,
La
paix des épis d'or et des fleurs d'oranger ?...
Par
les buveurs de sang qui règnent sur le monde,
Pourquoi,
peuples naïfs, vous laissez-vous piéger ?
B
– Eugène Bizeau, un homme à contre-courant par ses convictions politiques et
sociales (1914/1945)
a
– Essor et déclin de la chanson révolutionnaire
A
l'approche de 1914, l'arrivée du conflit semble inévitable et divers groupes
socialistes, syndicalistes, anarchistes espèrent l'éviter par la grève générale
mais l'assassinat de Jean Jaurès porte un coup fatal aux espoirs des défenseurs
de la paix, aux pacifistes.
Bizeau
fait partie de ces militants qui pressentent que la guerre qui commence va
durer au delà du noël 1914 ; il l'exprime dans son poème « Avant le départ » :
«
Les soldats vont partir vers le champ de bataille
Il
faut leur donner de l’entrain
Oh
le joli discours qu’un officier leur braille
Avant
de monter dans le train
Debout
debout Français ; voilà le jour de gloire
Sous
l’étendard aux trois couleurs
Après
avoir marché de victoire en victoire
Nous
allons venger nos malheurs.
Et
devant l’imposteur qui leur monte la tête
Avec
le trois-six des grands mots
La
boisson perd l’homme et réveille la bête
Etouffe
leurs derniers sanglots.
Et
je songe, en voyant qu’ils s’engouffrent dans l’ombre
Où
pleuvra l’obus meurtrier
Que
peut-être pas un sur cet immense nombre
Ne
reviendra dans son foyer. ».
La
plupart des poètes de la Muse rouge sont mobilisés ; Bizeau quant à lui est
réformé en octobre 1914 pour cause de « faiblesse de constitution », lui qui va
vivre 106 ans !
Nota
: cette anecdote est à l'origine de dessins de son ami Cabu le montrant fièrement
assis sur le cadavre des généraux des deux guerres et clamant « je vous
enterrerai tous ! ».
Mais
s'il ne prend pas part au conflit Bizeau ne demeure pas pour autant inactif. A
l'inverse de certains qui trahissent (Montehus, Gustave Hervé) en rejoignant le
camp des bellicistes, il va continuer de clamer son pacifisme. Ses positions
lui vaudront alors une surveillance policière régulière et maintes
perquisitions à son domicile.
Il
fait paraître des poèmes clandestinement dans une revue « Le Semeur » qui pour
éloigner la censure mentionne un imprimeur à Genève alors qu'en réalité
l'éditeur est un de ses amis, typographe, à Tours
La
censure continuera au delà de la guerre et certains de ses poèmes pacifistes ne
seront édités qu'en 1922, en particulier un poème virulent, « Leur idéal » en
réponse au discours de Clémenceau appelant en 1915, les soldats à « aller
jusqu'au bout ! » :
La
mort de tous les instants,
C’est
l’humanité fauchée
Comme
les fleurs du printemps.
C'est
ville et campagne en flammes ;
Et
malgré cela, debout,
Pour...Le
salut de nos âmes,
Il
faut aller « jusqu'au bout ! »...
C'est
après la charge folle
Vers
les canons meurtriers,
L'épouvante
qui racole
Auprès
d'un champ de lauriers.
C'est
la liberté qui saigne ;
Et
malgré cela, debout,
Pour...qu'arrive
enfin son règne,
Il
faut aller « jusqu'au bout ! ».
La
Muse rouge renaîtra au début des années 1920 avec la parution de nombreux
textes anti-militaristes, de Bizeau en particulier. Les goguettes mensuelles
réapparaissent également jusque dans les années 1930, toujours aussi
fréquentées par les ouvriers. Cependant la guerre de 1914/1918 avec toute une
génération d'hommes issus de la classe ouvrière, sacrifiée reste un choc brutal
atténuant de beaucoup les espoirs en la paix et en la liberté. Le pacifisme en
a pris un coup !
L'événement
décisif qui va entraîner la disparition de la « Muse Rouge » est sa rupture
avec le Parti communiste français. Si celui-ci a soutenu jusqu'alors les
activités de la Muse, ainsi que la SFIO, il tente en 1931, avec la création de
la « Fédération du Théâtre Ouvrier de France » (FTOF) de diriger et de
contrôler l'expression révolutionnaire (la production et la diffusion des
chansons). La Muse rouge refusant d'adhérer à cette organisation, le PCF n'aura
de cesse de dénigrer les poètes chansonniers, pratique stalinienne classique
des années 1930.
Les
publications cessent en 1934, la librairie et les goguettes perdurent jusqu'en
1939 avec l'arrivée de la deuxième guerre mondiale, celle de 1939/1945.
En
conclusion on peut affirmer que la chanson sociale, libertaire, (donc pacifiste
et anti-militariste) reçoit un coup fatal avec en l'espace d'une génération
deux guerres mondiales. L'après deuxième guerre mondiale va voir le
développement d'une nouvelle culture de masse dont la musique et la chanson
n'échappent pas au processus de normalisation en cours. La chanson ne prête
plus à débat et n'est plus désormais qu'un objet de consommation comme un
autre. De fait les hommes qui continuent, s'évertuent comme Bizeau à maintenir
vivante la chanson révolutionnaire deviennent des marginaux, ainsi que les
goguettes qui deviennent obsolètes alors que celles-ci permettaient à chacun de
s'exprimer dans l'esprit des « scènes ouvertes ». Il faudra attendre les années
1980 pour qu'en dehors d'un public restreint de militants, un public plus large
découvre ces poètes-ouvriers chantant pour l'émancipation humaine.
b
– Marginalisation de Bizeau du fait de ses engagements contestataires en
chansons
Par
ses prises de position tout au long de sa vie, Bizeau ne peut que se
marginaliser et devenir une cible pour l'Etat. Comme ses parents et grands
parents, il s'engage et s'en trouve stigmatisé, placé dans le camp des «
ennemis de la France », les ennemis de l'intérieur !
La
dénonciation de cette situation de pressions et d'oppression qui lui est faite
est magnifiquement exprimée dans le poème « Pacifiste » publié en juin 1919,
texte d'une brûlante actualité en 2017 :
C'est
un individu suspect à la police...
Donc
il faut enquêter sur ce qu'il pense et dit,
Et
puisqu'il veut la paix, l'amour et la justice
Le
surveiller comme un bandit !
On
va monter la garde autour de sa demeure
Pour
moucharder sa femme et les gens qu'il reçoit,
Et
les jours de chagrin, s'il arrive qu'il pleure,
Découvrir
à propos de quoi...
Les
lettres qu'il attend seront décachetées
Pour
voir ce qu'il suggère à la raison d'autrui,
Et
l'on falsifiera le sens de ses idées
Pour
les retourner contre lui.
On
accumulera les pires calomnies,
On
prêtera l'oreille à mille absurdités,
Et
sans plus de mystères et de cérémonies
On
en fera des « vérités » !
On
jettera l'insulte au coeur de sa détresse
En
disant qu'il émarge aux fonds de l'étranger,
Et
que c'est bien la faute aux gens de son espèce
Si
la patrie est en danger.
On
lui fera sentir comment la guerre assomme
Les
droits les plus sacrés du pauvre citoyen...
Et
cet homme expiera le crime d'être un homme
Quand
la consigne est d'être un chien
Il
dénonce dans ce poème les guerres menées par une République dite démocratique
qui, parce qu'elle tue au nom de ses valeurs républicaines ne peut être
contestée par quiconque se dit républicain ! La contestation ne peut qu'être
criminalisée !
Un
autre poème « A Hélène Brion », institutrice pacifiste condamnée et emprisonnée
en 1917 pour « cause de défaitisme » est de la même veine :
«
L'iniquité du jour vous a mise en prison
Avec
des paroles infâmes
Car
il est plus aisé de maltraiter des femmes
Que
de leur démontrer qu'elles n'ont pas raison.
On
n'imagine pas ce que la peur invente :
Pour
le vautour des mauvais soirs,
Vous
étiez la colombe offrant aux aigles noirs
Le
rameau d'olivier qui fait baisser la rente !
Mais
nous avons tiré l'auguste vérité
De
sa bastille étroite et laide ;
Et
vous restez pour nous le verbe pur qui plaide
La
cause de la Vie et de l'Humanité ! »
Toute
la vie de Bizeau est une lutte permanente pour la paix et la justice sociale :
Soutien
aux marins mutinés de la mer noire en 1919, avec le poème Amnistie.
Amnistie
! Amnistie !
Pour
les gueux qu'on châtie
Et
dont tout l'horizon
Est
un mur de prison !
Sans
courber les épaules,
Il
faut ouvrir leurs géôles
Et
mettre en liberté
Toute
l'humanité !
Soutien
à Sacco et Vanzetti les deux anarchistes italiens condamnés et exécutés au USA,
en 1927 pour un attentat qu'ils n'ont pas commis (réhabilités en 1977).
Sacco-Vanzetti, ce sont des victimes,
Ce
sont des martyrs généreux et beaux
Des
êtres sublimes
Qu'il
faut arracher des mornes abîmes
Où
les ont jetés d'infâmes bourreaux,
Sacco-Vanzetti,
ce sont des victimes
Qu'il
faut arracher de leurs noirs tombeaux
Des
poèmes de Bizeau sur la guerre et révolution en Espagne (1936/39) seront
retransmis sur Radio-Barcelone durant l'été 1936.
Il
écrit également durant le Front populaire en France et, la Muse rouge ayant
cessé ses activités, ses poèmes sont édités dans « le Populaire », l'organe de
la SFIO ou dit à la radio dans des émissions animées par la CGT, tels La
chanson de Paris :
La chanson de Paris c'est la chanson qui vole,
C'est
la rumeur qui gronde avec des cris aigus
Quand
les gueux des faubourgs dansent la carmagnole
Sur
les remparts croulants des oppresseurs vaincus
La
chanson de Paris c'est la chanson humaine
Préparant
l'avenir épris de liberté
Enfin,
vivant avec sa femme Anne et ses deux enfants, Claire et Max dans le Cantal
(Massiac) il témoigne également des hauts faits de la Résistance de cette ville
en 1944
Ce
sont aussi dans la logique de son combat pacifiste de nombreux poèmes contre
l'arme atomique, illustrés par Cabu dans l'album « Guerre à la Guerre »
Le
poème « Lutter » ci-dessous résume la vie et l'oeuvre du poète vigneron
libertaire :
«
Lutter, puisque la vie est une âpre mêlée
Où
l’on se bat sans fin contre plus fort que soi,
Et
marcher le front haut sous la voûte étoilée
Sans
se décourager des coups que l’on reçoit.
Lutter
de tout son cœur et de toute son âme,
Sur
tous les points du globe, et par tous les moyens,
Contre
la renaissance et le retour de flamme
De
ce qui reste en nous de préjugés anciens.
Lutter
contre la peur, contre la maladie,
Contre
la profondeur de l’égoïsme humain,
Contre
la pauvreté d’un peuple qui mendie,
Contre
le désespoir, la misère et la faim.
Lutter
contre le joug des maîtres de la terre
Masquant
leur dictature en tapageurs discours ;
Contre
les trublions, les criminels de guerre,
Aigles
noirs de haut vol et répugnants vautours…
Lutter
contre les fous qui jouent à pigeon vole
En
jetant vers le ciel d’affreux engins de mort…
Et,
sans cesse assoiffés de gloire et d’auréoles,
Enchaînant
l’avenir au culte du veau d’or.
Lutter
pour le succès des causes généreuses,
Pour
l’idéal de paix dont on a la fierté,
Pour
le destin meilleur des plèbes douloureuses,
Pour
le bonheur du monde et pour la liberté.
Lutter
jusqu’à la fin du rève ou du poème
Qui
soutient notre cœur et l’enflamme en secret…
Et
quant on n’est plus rien que l’ombre de soi même,
Sourire
à la jeunesse et partir sans regret ! ».
Anne
Adélaïde Chambonnière, institutrice syndicaliste, libertaire, pacifiste et
féministe (1882 - 1973)
Si
la mémoire collective a retenu le nom d'Eugène Bizeau, poète, anarchiste,
pacifiste, anticlérical, vigneron, le nom de sa compagne, Anne Bizeau mérite
d'être honoré à plus d'un titre.
Adélaïde,
Anne Chambonnière est née le 22 mars 1882, à Trémouille, petit village du
Cantal. Après avoir suivi ses études en École primaire supérieure et
brillamment obtenu le brevet supérieur, elle devient institutrice à Menet
(Cantal).
Le
syndicalisme étant interdit aux fonctionnaires, comme la plupart des
institutrices et instituteurs, Anne fait partie d'une Amicale et devient en
décembre 1912, secrétaire-adjointe de «
l'Amicale des membres de l'enseignement primaire public du Cantal ».
Ces
Amicales sont placées sous la coupe des Inspecteurs d'Académie.
De
leur côté de nombreux instituteurs aspirent à leur autonomie et combattent pour
une vraie syndicalisation liée au mouvement ouvrier.
Anne
Chambonnière, avec d'autres instituteurs, se reconnaît dans le « Manifeste des
Instituteurs Syndicalistes » (1905) qui revendique l'indépendance du corps
enseignant par rapport à l'État représenté par les Inspecteurs Académie :
«
Le corps des instituteurs a besoin de toute son autonomie […] qui ne peut être
réalisée que par la constitution en syndicats des associations professionnelles
d'instituteurs […] décidés à se substituer à l'autorité administrative
impuissante devant les ingérences politiques […]. Les instituteurs réclament le
droit de se constituer en syndicats et d’entrer dans les bourses du travail.
Ils veulent appartenir à la Confédération Générale du Travail. Par leurs
origines, par la simplicité de leur vie, les instituteurs appartiennent au
peuple. »
Tout
en étant par « obligation professionnelle » tenue de rester dans l'Amicale,
Anne va adhérer, après le Congrès de Nantes (mars 1907), à la « Fédération
Nationale des Instituteurs et Institutrices à la CGT » qui deviendra en 1915 le
« Syndicat des instituteurs » faisant paraître dans le Cantal la revue «
L'émancipateur ».
En
effet, après la loi du 21 mars 1884, des syndicats professionnels ont pu se
constituer, se développer et s'organiser au sein des premières fédérations
nationales de métiers, affirmant leur autonomie en se démarquant des
politiques.
En
1892 est créée la Fédération nationale des Bourses du Travail dont Fernand
Pelloutier est élu secrétaire-adjoint et en septembre 1895, se tient à Limoges
le congrès qui voit naître la vieille C.G.T.
Beaucoup
d'instituteurs et institutrices vont se reconnaître dans ce syndicat, alors
révolutionnaire. Ils seront nombreux à quitter progressivement les Amicales
pour rejoindre la C.G.T.
De
plus, depuis longtemps, parallèlement à l'action syndicale, Anne s'investit
dans le combat féministe. Elle fonde le « Groupe féministe cantalien » dont
elle sera la secrétaire durant de nombreuses années, en particulier durant la
guerre de 14 – 18, où ce groupe prendra des positions solidaires envers les
institutrices réprimées pour dénonciation de l'état de guerre et pour leurs
appels à la paix.
En
1916, son parcours de féministe et de pacifiste se radicalise, influencé en
partie par sa rencontre et son mariage avec Eugène Bizeau dont elle partage les
idées. Le couple aura deux enfants, Max et Claire.
Le
couple s'installe à Massiac dans le Nord Cantal, où elle est directrice de
l'école maternelle. Il faut souligner que l’Inspection d’Académie a refusé sa
demande de mutation et l’a nommée d’office à Massiac en raison de ses combats
syndicalistes et pacifistes.
En
juillet 1917, dans une France en guerre depuis trois ans, la chasse aux
instituteurs pacifistes ouverte depuis des mois, s'intensifie à coup de
poursuites judiciaires et de révocations.
Anne
Bizeau, au sein de l'Amicale, comme dans le syndicat, mène inlassablement des
campagnes de solidarité en faveur des enseignants poursuivis, condamnés et
révoqués pour délit d'opinion, défaitisme, comme par exemple les époux MAYOUX.
Ceux-ci,
instituteurs pacifistes ont eut le tord de faire paraître une petite brochure
intitulée : « Les instituteurs syndicalistes et la guerre » ce qui leur a valu
d'être suspendus de leurs fonctions.
Fin
juillet 1917, Marie et François Mayoux sont perquisitionnés, un stock de leur
brochure est saisi avec d'autres imprimés pacifistes.
Immédiatement
Anne réagit dans un article du journal de l'Amicale : « Le Conseil
d'administration de l'Amicale, considérant que les camarades Mayoux ont été
révoqués pour délit d'opinion demande l'amnistie et la réintégration dans
l'enseignement. »
Elle
interpelle également ses collègues, réclamant leur devoir de solidarité, ce qui
est le fondement même du syndicalisme : « ...Nous ne comprendrions pas que de
futurs syndiqués se refusent à défendre nos militants syndicalistes... ».
À
la même période, elle va mobiliser les Amicales et les syndicats du Cantal pour
défendre d'autres instituteurs réprimés pour avoir exprimé leur pacifisme,
comme Gabrielle Bouet ou Hélène Brion.
Cette
dernière, institutrice, porte-parole du courant pacifiste au sein de la C.G.T,
est empêchée par la police de se rendre à la conférence de Zimmerwald (1915).
Son
domicile est perquisitionné en juillet 1917. Elle est suspendue sans traitement
avant d'être arrêtée en novembre pour « propagande défaitiste » et incarcérée
dans la prison des femmes de Saint-Lazare.
Eugène
Bizeau, lui consacrera un poème intitulé
« A Hélène BRION »:
Vous
disiez avec foi : « La guerre est un fléau »
Désarmons
la rancœur humaine
Au
lieu d'entretenir le culte de la haine
Donnons
à la jeunesse un idéal plus beau...
En
1919, Anne BIZEAU impulsera la création du syndicat départemental de
l'enseignement dont elle assurera le secrétariat de 1919 à 1924.
Elle
écrit des articles dans « L'Emancipateur », bulletin trimestriel du syndicat
des membres de l'enseignement public du Cantal, ainsi que dans le bulletin de
l'Union Départementale C.G.T qui, à cette époque, s'appelle « Le Réveil
Syndical ».
C’est
en décembre 1919 qu’elle signe un appel important en vue du développement de la
syndicalisation des enseignants :
«
Camarades, à nous, à tous ceux qui ont la vaillance d'affirmer des idées
neuves, d'affronter la tradition, de tenir bon contre toutes les réactions
coalisées, contre toutes les forces d'oppression et d'exploitation. Tous debout
pour la défense de l'Ecole et pour une organisation sociale plus moderne et
plus juste ».
Anne
s’intéresse aussi, plus particulièrement, à la dénonciation des livres
scolaires qui
prônent
le nationalisme et le patriotisme.
.
Anne
Bizeau (à droite), dans la cour de l'école maternelle de Massiac
Anne
n'avait pas attendu de rencontrer son compagnon Eugène pour s'adonner à la
poésie.
Après
un premier recueil, « Les ailes de soie », elle fait paraître un deuxième livre
« Souvenance », préfacé par Paul Guth, qui la surnomme la « Fée d'Auvergne ».
Dans
ce livre, elle se souvient de son frère, mort à la guerre en 1917, et crie son
antimilitarisme dans Le temps des folies (extrait) :
Ils
attendaient qu'on les désarme
Ces
enfants de leur chair meurtrie,
On
les coucha dans la prairie,
Ah
! Maudit soit le temps des armes...
Même
opposition à la guerre, dans le poème Ils sont tombés (extrait) :
Ils
sont tombés comme les blés
Les
gars si fiers de leurs vingt ans
Ils
sont tombés comme les blés
Sans
avoir mangé leur pain blanc !
Ils
sont tombés comme des fruits,
Des
fruits amers en leur verdeur,
Ils
sont tombés comme des fruits,
Sans
épuiser tous les bonheurs...
Ou
encore, Automne 1914 (extrait) :
Les
hommes tombent follement
Dans
le vent qui souffle en rafales
C'est
la chanson des noirs autans
Les
balles sifflent sur les dalles
Sifflent,
mortelles dans le vent
Les
hommes tombent follement.
Avec
Eugène, elle aura partagé de nombreux combats émancipateurs.
Tous
deux ont été également des passionnés de poésie durant toute leur vie, et le
virus aura été transmis à leur fils Max qui a édité trois recueils de poèmes et
un livre « Au nom d'un fils », avec des dessins de Cabu, qui illustra également
les recueils d’Eugène : « Verrues sociales », « croquis de la rue » et « Guerre
à la guerre ».
À
la fin de la première guerre mondiale, le couple Bizeau, infatigable, participe
au combat pour les amnisties des réfractaires à la guerre, avec les
syndicalistes et les révolutionnaires.
Tous
deux soutiennent le combat pour la réhabilitation des fusillés pour l'exemple.
Eugène
écrit, entre autres, ce poème « Amnistie » paru dans « Le Libertaire » en
septembre 1919 (extrait) :
Amnistie
! Amnistie aux soldats en révolte
Contre
l'autorité brutale et désinvolte
Qui
leur mit sur le corps des guenilles sans nom
Pour
qu'ils soient « jusqu'au bout » de la chair à canon !
Amnistie
! Amnistie à tous les réfractaires
Qui
n'ont pas accepté les jougs héréditaires
Et
qui n'ont pas servi, comme des instruments
Les
projets monstrueux de leurs gouvernements !
Amnistie
! Amnistie !
Pour
les gueux qu'on châtie
Et
dont tout l'horizon
Est
un mur de prison !
Sans
courber les épaules,
Il
faut ouvrir leurs géôles
Et
mettre en liberté
Toute
l'humanité !
Anne
et Eugène BIZEAU, leurs enfants Max et Claire et la grand-mère paternelle à
Massiac en 1926
https://vaillantitude.blogspot.fr/2017/11/maurice-rollinat-en-chansons.html
Cliquez sur le calendrier pour découvrir
ce qui s'est passé un
9 décembre
pendant la vie d'Edouard Vaillant
ce qui s'est passé un
9 décembre
pendant la vie d'Edouard Vaillant
Commémoration annuelle Edouard Vaillant
Cimetière de Vierzon-Ville
16 Rue du Souvenir Français
18100 Vierzon
La commémoration de la mort d'Edouard Vaillant devrait se faire cette année le samedi 23 décembre à 10h45. C'est au tour du PCF de prendre la parole, et c'est Edwige, membre des Amies et Amis de la Commune, qui sera au micro.
vaillantiser v tr dir
Action de redonner tout son lustre, tout son éclat, toute son importance, à une personnalité qui la méritait amplement et que l’histoire avait oubliée malencontreusement sur le bord de son chemin.
Plus simplement :
Action de remettre dans la lumière de l’histoire quelqu'un qui en avait été indûment écarté.
Ex : "C’est en 2015 que pour la première fois on a vaillantisé quelqu’un, et ce quelqu’un, c’était Edouard Vaillant lui-même."
Employé absolument, le verbe a pour complément d'objet implicite le nom propre "Vaillant".
Ex : "Le dernier numéro de notre bulletin vaillantise."
N’hésitez pas, qui que vous soyez, à l'employer partout par exemple dans des phrases du genre : Ils veulent vaillantiser Vaillant, etc.
Et bien entendu le dérivé "vaillantisation" en découle naturellement.
TOUTES NOS DATES IMPORTANTES
Rentrée littéraire de septembre 2015
Je te parle au sujet d'EDOUARD VAILLANT
Tome I : La tête pensante de la Commune.
374 p. 18,80 €
484g
les 2 volumes 1044g
L'EDITEUR
LES POINTS DE VENTE
18
Vierzon
Maison de la presse Catinaud (9 rue Voltaire)
Espace culturel Leclerc (48 avenue de la République)
Presse tabac Mongeot (4 rue du Mouton)
Bourges
La Poterne
Centre commercial Carrefour Bourges
36
Châteauroux
Cultura Saint-Maur
En voir plus :
http://vaillantitude.blogspot.fr/2015/09/1907-mort-de-sully-prudhomme.html
COMPTES-RENDUS DU LIVRE
11 3 16 JEAN ANNEQUIN BLOG COMMUNE DE PARIS
29 2 16 HENRICHEMONT GIBLOG
1 11 15 MAGAZINE A VIERZON
20 10 15 DIX-HUIT BERRY REPUBLICAIN LA BOUINOTTE
28 08 15 BLOG VIERZONITUDE
DOSSIER DE PRESSE
http://vaillantitude.blogspot.fr/2015/10/1854-naissance-de-rimbaud.html
La pensée d’Edouard Vaillant représente l’adaptation la plus parfaite du socialisme scientifique à notre tempérament national.
(Jean Jaurès)
Vaillant n'est pas seulement un grand homme pour Vierzon, il est un grand homme pour l'histoire.
(Vaillantitude)
La vaillantisation est une entreprise collective qui rassemble, et c'est tant mieux, des personnes de convictions différentes et variées qui ne regardent qu’elles. Les rapprochements avec l’actualité récente et les éventuels commentaires personnels induits n’engagent que l’auteur du blog et lui seul.
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