mercredi 25 mai 2022

EMMANUEL DELORME ÉTAIT-IL VAILLANTISTE ?

                                                     

Une question de Jean-Pierre Gilbert.


 



Indice: 
En 1888, le fondateur du journal, Jules Vallès, est mort depuis 3 ans, et Séverine, qui lui a succédé, vient de passer la main. Les signataires publient  dans le journal dont le nouveau directeur n'est autre qu'Edouard Vaillant. 


Emmanuel Delorme était-il vaillantiste ? Il semble pour le moins qu’il penchait pour Vaillant comme en témoigne cette lettre ouverte de décembre 1888 parue dans Le Cri du peuple.
J.-P. Gilbert



Sur Emmanuel Delorme, reportez-vous au livre que maintenant vous avez tous:



et aussi à cette page de notre blog qui renvoit également à Gilblog, le blog de J.-P. Gilbert qui fait la part belle à la Commuine de Paris:


Pour se donner les meilleurs chances de répondre à cette question, notre enquête devra nous amener à essayer de bien saisir l'orientation du texte. Pour cela, il faudra au minimum s'interroger sur son argumentation (articulation et contenu), et sur son contexte. 
Voici donc le coeur du texte, en dehors du paratexte, de ses formules introductive et conclusive:

Notre conviction est que les socialistes démocrates, au risque de passer pour utopistes, ne peuvent admettre ni programmes minimum ni programmes possibilistes, autre manière du minimum, ni programmes radicaux, qui n'ont de radical que le nom, ni aucun opportunisme, car ils savent que de même qu'on ne fait pas de neuf avec du vieux, on ne fait pas des démocraties avec des vestiges de monarchies; ils pensent, en outre, qu’il n’est rien possible de changer à la société actuelle sans la détraquer toute, ce que celle-ci ne trouvera pas opportun de faire; ils déclarent, en somme, que c’est d’une société toute nouvelle qu’ils rêvent et que c’est à son édification qu'ils veulent travailler.


"Notre conviction": c'est le point de vue des signataires qui est exprimé. Il porte sur "les socialistes démocrates". S'agit-il de s'en démarquer ou au contraire d'en revendiquer l'appartenance? Et si oui, est-ce pour eux seuls, ou pour eux et Vaillant?

On pourrait hésiter un instant, en raison de ce qu'est devenue à notre époque la réputation de la social-démocratie. On pensera par exemple à Sebastian Haffner: "De même que le chien est un loup que l'homme a apprivoisé à ses propres fins, la social-démocratie est un ancien parti ouvrier que le capitalisme a apprivoisé à ses propres fins." (all: Die Deutsche Revolution 1918-1919, fr: Allemagne 1918: une révolution trahie, 1968). 
Mais ici, en 1888, on est largement encore dans l'actualité de cet "ancien parti ouvrier" avant la corruption. Avant la Commune, mais fortement réactualisé par cette dernière, il incarne un mouvement progressiste de référence qui milite pour une "République démocratique et sociale" en opposition à la république versaillaise.

Le texte le confirme: ce qu'ils ne peuvent admettre, ce qui est contraire à leurs valeurs, est exprimé par l'énumération des "ni". Or ils sont tous négatifs: "minimum" (qui disqualifie l'option "possibiliste"), "que de nom" (visant les "radicaux"), et, clairement, "l'opportunisme". 
La suite, s'il en était besoin, lèverait toute ambiguïté. 
Le "car" causal apporte la justification explicite de leur position: pas de démocratie avec les vieux vestiges monarchistes.
L'ajout avec "en outre" additionne l'argument de l'impossibilité d'un aménagement de détail (un petit changement ne nous conviendrait pas, et les autres ne voudraient pas de notre grand changement). 
La thèse soutenue est alors énoncée après "en somme": nous militons pour "une société toute nouvelle". 

Restent alors deux ambiguïtés qu'il serait utile de lever pour bien répondre à la question posée, l'une de peu d'importance car simplement utile pour éclairer une nuance intérieur au texte.

Il s'agit d'interpréter correctement l'incise "au risque de passer pour utopistes", le terme "utopiste" étant visiblement ici de toute façon péjoratif (en 1888, les thèses de Marx ont eu le temps de faire leur effet dans le mouvement ouvrier).
Premier sens: Si nous admettions ces choses négatives, nous prendrions alors le risque qu'on nous traite d'utopistes. Paraphrase: "... et nous ne pouvons pas assumer le risque...".
Second sens: Nous ne pouvons admettre ces choses négatives, même si notre refus risque de nous faire traiter d'utopistes.  Paraphrase: "... même s'il nous fallait pour cela assumer le risque...". 
Le premier est facile à conmprendre: si on acceptait des compromis de classe avec des changements sans conséquences réels, nous ne serions pas des socialistes révolutionnaires mais des socialistes utopistes, renvoyés négativement au passé du siècle.
Le premier se défend également dans l'idée portée par l'argumentation: en appelant à des changements de grande importance dans une société aussi figée, on pourrait nous taxer d'irréalisme, donc d'utopisme. 
Pour ma part, si on me sommait de trancher, mais plus par flair que par preuve, j'opterais spontanément pour la première interprétation. 


L'autre ambiguïté, plus cruciale, ne peut trouver de réponse véritable qu'en se référant le plus précisément possible au contexte historique du texte: "une société toute nouvelle" certes, mais "toute nouvelle" jusqu'à quel point? 

Les signataires ont visiblement  le sentiment qu'ils sont dans le même camp que Vaillant.
Mais ont-ils le sentiments qu'ils le sont au même niveau? 
Ou qu'ils sont plus avancés que lui et qu'ils visent à lui forcer la main pour aller encore plus loin? 
Ou bien enfin qu'ils sont plus en retrait et qu'il souhaitent lui donner des gages de leur bonne volonté pour lui montrer qu'ils peuvent aller jusqu'à sa position?

Pour moi, la réponse est "Oui, ils sont vaillantistes" (donc "Oui, Delorme est vaillantiste"). 
Mais jusqu'à quel point, c'est difficile à dire et je doute qu'on puisse répondre avec certitude à cette question. Cela dit, il n'est pas impossible, avec une enquête un peu plus approfondie, d'approcher, sinon d'une certitude, du moins d'une conviction éclairée. 



Echos ancien et  actuel rencontrés dans Facebook:









Depuis la création de cette page, Jean-Pierre Gilbert - et c'est une belle trouvaille - a mis la main sur un portrait d'Emmanuel Delorme:






Trouvaille ! Un portrait d’Emmanuel Delorme.




1-Portrait-Emmanuel-Delorme


À première vue, la vie d'Emmanuel Delorme n’est pas émaillée de faits d’armes ou de déclarations héroïques. Certes, ce berrichon natif de Saint Amand, chansonnier un peu oublié auteur de plus de deux cent chansons, journaliste à la carrière intermittente, communard proscrit, a écrit une des premières "Internationale" qu'il chanta à Genève pour les exilés en 1871 (bien avant que l’œuvre d’Eugène Pottier soit entonnée au congrès socialiste de 1904 et fasse le tour du monde).  Mais Delorme n’est pas souvent cité au nombre des chansonniers du 19e siècle.

Vouloir retracer sa biographie expose à de sérieuses difficultés, car les fils de son histoire sont ténus et les "trous" nombreux. 

Alors pourquoi chercher à faire revivre une ombre ? Peut-être par un attachement sentimental à ce berrichon, un peu mystérieux ? Peut-être par une tentative donquichottesque de rendre justice à un oublié de l'Histoire ? Peut-être pour toutes ces raisons à la fois ? 

Depuis que j’ai commencé à travailler pour mon bouquin sur les communards du Cher, il y a environ quatre ans, je cherchais vainement un portrait de Delorme.  Bien qu’il soit souvent cité par les chercheurs grâce aux témoins de l’époque, bien que ses chansons et ses articles soient publiés dans les journaux de son temps, son portrait est obstinément absent de la documentation existante.

Mais, parcourant une liste de documents d’une longueur désespérante, je tombe vers la fin, sur la mention d’une photo dans la collection de Joseph Thibault aux Archives de l’Indre. Ce Joseph Thibault (1880-1980) a passé sa vie à récupérer, acheter, accumuler une documentation exceptionnelle sur le Berry. Jeune notaire, il devait succéder à son père, mais a trouvé sa véritable vocation en 1908, dans une étude de commissaire-priseur à Paris. Ce qui lui permet d'assister aux ventes de l'hôtel Drouot pendant plus de cinquante ans. Au fils des ans, Joseph Thibault constitue une immense collection, qu'il conserve dans sa maison. Documents, gravures, affiches, cartes postales photographies, livres, s'accumulent au point que les amis du collectionneur sont contraints de loger à l'hôtel ! Soucieux de transmission, Joseph Thibault lègue aux Archives départementales de l'Indre une exceptionnelle collection. Merci à lui, enfin les berrichons connaîtront la tête d’Emmanuel Delorme.

Ce vendredi, petit déplacement à Châteauroux, formalités rapides aux Archives départementales de l’Indre, photos, retour, petites retouches et mise en ligne !

Et voici la reproduction du tirage original, fidèle à sa couleur bleutée, où semblant sortir du brouillard de l'oubli, Delorme avec un air à moitié romantique à moitié punk vous regarde. On dirait qu’il va chanter quelque chose…. 
Delorme est âgé de 34 ans en 1871, mais quel âge avait-il quand la photo a été prise ? Le tirage a-t-il été fait en France avant la Commune, ou bien en Suisse après 1871 ? Encore des mystères.…

Prochainement, je vous en dirai plus sur Delorme car je continue à fouiner.

En attendant vous pouvez lire la notice biographique parue dans “La Commune et les communards du Cher”, ainsi que les pages consacrées à Delorme dans gilblog !

10 juin 2022












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pendant la vie d'Edouard Vaillant





Les 200 000 vues atteintes le 28 août 2021




Les pays qui regardent le plus VAILLANTITUDE









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vaillantiser v tr dir 
Action de redonner tout son lustre, tout son éclat, toute son importance, à une personnalité qui la méritait amplement et que l’histoire avait oubliée malencontreusement sur le bord de son chemin. 
Plus simplement :
Action de remettre dans la lumière de l’histoire quelqu'un qui en avait été indûment écarté.  



Ex : "C’est en 2015 que pour la première fois on a vaillantisé quelqu’un, et ce quelqu’un, c’était Edouard Vaillant lui-même." 

Employé absolument, le verbe a pour complément d'objet implicite le nom propre "Vaillant". 

Ex : "Le dernier numéro de notre bulletin  vaillantise." 

N’hésitez pas, qui que vous soyez, à l'employer partout par exemple dans des phrases du genre : Ils veulent vaillantiser Vaillant, etc. 

Et bien entendu le dérivé "vaillantisation" en découle naturellement. 





Rentrée littéraire de septembre 2015
Je te parle au sujet d'EDOUARD VAILLANT
Tome I : La tête pensante de la Commune.



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Henrichemont 

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COMPTES-RENDUS DU LIVRE


11 3 16   JEAN ANNEQUIN BLOG COMMUNE DE PARIS

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1 11 15  MAGAZINE A VIERZON

20 10 15    DIX-HUIT BERRY REPUBLICAIN LA BOUINOTTE

28 08 15    BLOG VIERZONITUDE




DOSSIER DE PRESSE





La pensée d’Edouard Vaillant représente l’adaptation la plus parfaite du socialisme scientifique à notre tempérament national. 
(Jean Jaurès)




Vaillant n'est pas seulement un grand homme pour Vierzon, il est un grand homme pour l'histoire.

                                                                                                              (Vaillantitude)













La vaillantisation est une entreprise collective qui rassemble, et c'est tant mieux, des personnes de convictions différentes et variées qui ne regardent qu’elles. Les rapprochements avec l’actualité récente et les éventuels commentaires personnels induits n’engagent que l’auteur du blog et lui seul. 

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